Management, confiance en soi : comment l’hypnose se développe en entreprise…
Utilisée par les chefs d’entreprises pour mieux manager, ou par les salariés qui cherchent à s’affirmer, l’hypnose envahit la sphère du travail. Des cabinets spécialisés se multiplient.
« Qui n’a jamais expérimenté l’hypnose et voudrait vivre l’expérience, ce soir ? » Timidement, des mains se lèvent dans la salle. Trois, quatre, sur la centaine de personnes serrées autour de la petite estrade où trônent deux tabourets.
Un lundi sur deux, l’Arche (Académie de recherche et de connaissance en hypnose ericksonnienne), une « école » d’hypnose, organise des initiations à la pratique, dans le 10e arrondissement de Paris.
Des « cabinets publics » qui font toujours salle comble. Personne n’est venu voir un spectacle. Non, les curieux cherchent à apprendre « comment l’hypnose peut permettre de mieux communiquer au travail. »
« Un tournant dans ma carrière »
« Il s’agit principalement des gens qui manquent de confiance en eux », explique Kevin Finel, président de l’Arche et auteur de « Apprivoisez le changement avec l’auto-hypnose » (Interédition, 2009).
En général, ils entament une nouvelle étape de leur vie, un changement de poste, par exemple. »
La première volontaire monte sur scène. Vanessa a la trentaine et vient de lâcher son job dans la banque. Elle l’occupait depuis plus de huit ans. « Trop longtemps », estime-t-elle. Elle s’est lancée : elle a décidé de monter son entreprise de décoration d’intérieur, et prend des cours de design et d’entrepreneuriat. « Je repars de zéro, le champs des possibles s’ouvre à moi… C’est pétrifiant », avoue la jeune femme.
Devant le public, Vanessa ferme les yeux pendant de longues minutes, alors que Kevin Finel s’adresse à son inconscient. Ce qu’il se passe dans la tête de la jeune entrepreneur, personne ne le sait. Mais c’est le sourire aux lèvres qu’elle regagne sa place. Recontactée quelques jours plus tard, Vanessa raconte ressentir encore les effets de l’expérience :
Un sentiment de confiance en moi, de désinhibition… Et la volonté d’entreprendre. »
Elle va entamer une hypnothérapie pour aller plus loin, « enlever les verrous, un à un ».
Après Messmer, les cabinets se multiplient comme des petits pains
La reconnaissance scientifique de l’hypnose est aujourd’hui établie en médecine et en psychothérapie, mais son utilisation comme outil de communication au travail n’en n’est qu’à ses débuts.
« Pendant longtemps, l’hypnose a été considérée comme une discipline médicale uniquement, ce qui est loin d’être le cas : il s’agit de communication au sens large », explique Kevin Finel, qui a récemment ouvert un site spécialisé sur la communication hypnotique.
Une tendance émergente que l’on peut, en partie, attribuer aux spectacles d’hypnose, qui contribuent à éveiller la curiosité autour de la pratique, à l’instar des shows du célèbre hypnotiseur Messmer.
Avant de s’autoproclamer « fascinateur », le Canadien, de son vrai nom Éric Normandin, était thérapeute et intervenait dans les entreprises. C’était au début des années 1990. « Les hommes et femmes d’affaires étaient complètement fascinés par ce qu’ils découvraient ».
Je trouvais ça dommage que les bienfaits de l’hypnose soient si peu connus, raconte Messmer à l' »Obs ». »
C’est ce qui l’a poussé à monter sur scène montrer que ça fonctionne, puisque « le message est plus fort avec le rire. »
J’ai endormi plus de 75.000 personnes. A l’issue du spectacle, les gens sont forcément sensibilisés ».
Et ça marche. Des écoles d’hypnose florissent un peu partout. L’Arche, créée en 2002, s’est récemment exportée à Nice, Aix-en Provence et Casablanca. Les cabinets d’hypnothérapie se multiplient comme des petits pains, et des séances de démonstration sont organisées lors de séminaires professionnels.
Gérer tensions et phobies dans l’entreprise
C’est justement lorsqu’il participait à un congrès que Jean Leveau, à l’époque cadre dans l’industrie pharmaceutique, a été initié à la pratique. Une thérapie à l’opposé de sa branche, puisqu’elle ne fait pas appel aux médicaments. Mais Jean Leveau a très rapidement perçu « l’intérêt que l’hypnose pouvait avoir dans l’entreprise ».
Il a décidé de créer, en 2011, sa société de conseil en hypnose, après une formation à la faculté de La Pitié-Salpêtrière, à Paris, où il a obtenu un diplôme universitaire d’hypnose. Sur le site de son cabinet, Sache, il promet « un service d’accompagnement individuel sur mesure dans la vie de l’entreprise ».
« Mes patients viennent apprendre à gérer des situations conflictuelles sur leur lieu de travail », nous explique Jean Leveau. Certains chefs d’entreprises le consultent pour apaiser les tensions au sein de leurs équipes, d’autres cherchent l’assurance nécessaire à la préparation d’une réunion. Il y en a même qui veulent s’astreindre de phobies mal perçues dans le milieu professionnel, comme la peur de l’avion, par exemple.
Comment ça marche ? « Le dirigeant qui s’apprête à entamer une négociation se concentre et prévisualise la scène de manière précise », détaille le psychothérapeute. Une importance particulière est donnée à l’écoute du corps : la bouche qui s’assèche, le cœur qui accélère. « Il est alors possible, grâce à des techniques de respiration, de visualisation ou un toucher agréable, de trouver les ressources personnelles pour rester maître de la situation. »
Le thérapeute déclare ne pas garder ses patients longtemps :
Les résultats sont rapides, une séance seulement fait parfois déclic. »
« J’ai réussi mon entretien d’embauche »
Pour Elsa, il en a fallu quatre. A la recherche d’un emploi depuis plusieurs mois, la Parisienne de 27 ans a pris rendez-vous avec une hypnothérapeute pour avoir davantage confiance en elle lors de ses entretiens de personnalité.
Elle raconte que, à sa grande surprise, elle a été « totalement consciente » lorsqu’elle se trouvait sous hypnose, et se souvient précisément de la conversation avec l’hypnologue.
L’état de détente dans lequel j’ai plongé m’a permis de parler plus librement. Une fois que les vannes sont ouvertes, ça va très vite : on découvre rapidement quels sont ses blocages. On peut alors agir dessus. »
Elle a directement constaté les effets de la thérapie lorsqu’elle a été convoquée pour un nouvel entretien d’embauche : elle l’a réussi avec brio.
« Pour la première fois j’ai été en confiance, consciente de mes capacités et beaucoup plus sûre de moi. » Maintenant qu’elle a un travail, Elsa songe à reprendre quelques séances d’hypnoses, histoire de s’affirmer encore davantage au travail. Du candidat au manager, l’hypnose va-t-elle s’imposer comme une tendance émergente pour atteindre l’épanouissement professionnel ?
Julia Mourri